Par Carol Burte, Cannes, France
D’après l’article : Relationship Between Use of Videogames and Sexual Health in Adult Males – Andrea Sansone, MD, Massimiliano Sansone, MD, PsyD, Marco Proietti, MD,Giacomo Ciocca, PsyD, PhD,Andrea Lenzi, MD, Emmanuele A. Jannini, MD,and Francesco Romanelli, MD
J Sex Med 2017; – : 1-6 (Received February 16, 2017. Accepted May 6, 2017).
De plus en plus de personnes, de tout âge, jouent aux jeux vidéo. Plusieurs études se sont intéressées à l’impact, notamment cérébral, de ce comportement, mais aucune jusque-là ne s’était interrogée sur l’éventuelle relation avec le comportement sexuel. C’est le défi relevé par les auteurs qui se sont posé la question de la santé sexuelle des hommes utilisateurs des jeux vidéo.
Méthode
Des questionnaires validés ont été administrés à des hommes de 18 à 50 ans recrutés au travers des réseaux sociaux : l’International lndex of Erectile Dysfunction ( IIEF-15) et le Premature Ejaculation Diagnostic Tool ( PEDT).Des questions sur l’âge, le statut marital et l’orientation sexuelle ont permis de préciser l’échantillonnage.
Sur une période de 2 mois, 599 hommes ont été recrutés. 199 ont été exclus de l’étude, car ils n’avaient pas eu de relation sexuelle dans les 4 semaines précédant l’enquête, 4 réponses ont par ailleurs été écartées du fait de l’incohérence des réponses.
Au total 396 questionnaires ont été analysés et les participants ont été partagés en deux catégories : 287 « joueurs » définis par le fait qu’ils jouaient en moyenne plus d’une heure par jour et 109 « non-joueurs » s’y adonnant moins souvent.
Résultats
Après analyse statistique, il n’a pas été trouvé de différence entre joueurs et non-joueurs en ce qui concerne l’âge moyen et le statut marital. Il y avait plus d’homosexuels chez les non-joueurs.
Le score PEDT était significativement plus bas chez les joueurs que les non-joueurs. L’IIEF-15 n’a montré aucune différence significative entre les deux groupes quant à la fonction érectile, la fonction orgasmique et la satisfaction sexuelle. Par contre, le désir sexuel était plus fort dans la population des non-joueurs.
Discussion
Les auteurs rappellent que l’utilisation des jeux vidéo est maintenant connue pour améliorer certaines fonctions cognitives, dans certains champs spécifiques intellectuels comme la mémoire de travail, la vitesse processuelle et les fonctions exécutives. Cet « entraînement cérébral » semblerait avoir une influence positive dans certains cas, sur le mode de vie et la prévention de l’obésité. De même, des études ayant été faites chez des patients souffrant de maladie de Parkinson ou de maladie Huntington. Elles ont montré une amélioration des fonctions cognitives et motrices ce qui permet d’envisager l’utilisation de jeux vidéo en complément des protocoles de réhabilitation chez ces patients. Enfin, les jeux vidéo sont utilisés comme outils dans l’apprentissage des techniques laparoscopiques.
En revanche, l’épilepsie est un effet secondaire reconnu des jeux vidéo, de même que les troubles du sommeil et l’addiction avec, dans ce cas, une possible augmentation du taux de la dopamine.
Les résultats de l’étude montrent que les joueurs ont moins de propension à souffrir d’éjaculation prématurée, mais aussi ont moins de désir sexuel que les non-joueurs. Les auteurs pensent que les jeux vidéo pourraient affecter le système dopaminergique, avec une augmentation de la dopamine pendant le jeu. Le système dopaminergique est aussi impliqué dans la facilitation de l’orgasme et de l’éjaculation. La dopamine est connue pour être « l’hormone du plaisir ». Les récepteurs D1 sont activés uniquement lors des pics de dopamine alors que les récepteurs D2 le sont lors d’un relargage lent et progressif. Les jeux sont la source de pics répétés de dopamine. Ils pourraient entraîner une diminution de l’activation des récepteurs et causer une tolérance du réflexe éjaculatoire et une diminution de l’intérêt sexuel. Les jeux de compétition sont supposés avoir une grande influence sur le développement de comportements agressifs. On peut supposer que le stress des jeux vidéo peut entraîner une augmentation de la prolactine, pouvant diminuer l’intérêt sexuel et modifier la fonction éjaculatoire. Enfin, l’entraînement aux jeux vidéo pourrait modifier le comportement sexuel du fait de l’état d’esprit constamment en alerte dans certains jeux.
Les résultats de cette étude sont similaires à ce qui a été décrit dans les études sur l’addiction à l’alcool ou autres drogues. Dans ces études, deux semaines d’abstinence n’améliorent pas le comportement sexuel. On peut se demander de ce qu’il en serait de l’arrêt des jeux vidéo.
Nous pourrions supposer qu’il y a une relation entre un moindre intérêt vis-à-vis des rapports sexuels chez les joueurs et un effet psychologique positif sur le contrôle éjaculatoire, ceci en raison de facteurs psychologiques et hormonaux.
Les jeux vidéo pourraient avoir une place dans la prise en charge de certains troubles sexuels en complément des thérapies cognitivo comportementales.
Curieusement, cette étude montre qu’il y a une différence significative entre les deux groupes concernant la prévalence de l’homosexualité qui suggérerait une corrélation entre l’orientation sexuelle et la pratique des jeux vidéo.
Limites
Les auteurs de l’étude pointent du doigt, en tant que facteurs limitants, le fait que l’état de santé des participants n’a pas été pris en compte et qu’aucun dosage hormonal n’a été fait. Des études plus poussées sont nécessaires pour mesurer correctement les effets des jeux vidéo sur la santé sexuelle de l’homme.
L’orientation est un autre facteur qui pourrait être exploré avec plus d’attention.
La façon dont les sujets ont été recrutés peut entraîner des biais, ce qui devra être considéré dans les futures études. Par ailleurs, la version italienne du PEDT, bien que couramment utilisée, n’a pas été validée formellement.
Deux questions importantes concernant les jeux vidéo ont pu être identifiées : les joueurs qui ont commencé à jouer il y a longtemps pu avoir développé une forme de tolérance vis-à-vis du jeu, ce qui peut avoir influencé leur réponse aux stimuli des jeux. En outre, la grande diversité des jeux vidéo rend toute standardisation presque impossible.
Conclusions
La conclusion de cette étude préliminaire est que les résultats en sont prometteurs. Des études à plus grande échelle semblent nécessaires pour avoir plus de résultats définitifs, mais il semble clair qu’il y a une corrélation entre les divertissements vidéo et certains aspects du comportement sexuel masculin. L’utilisation des jeux vidéo est en augmentation chez les gens de tous âges. Donc, avoir identifié cette association pourrait autoriser une approche différente des patients ayant une éjaculation prématurée ou une perte de libido.
Commentaires sur cet article
Cette étude a retenu notre attention, car elle explore l’influence d’un comportement complètement nouveau dans l’espèce humaine, sur un autre comportement, ancestral, mais en constante évolution : la sexualité humaine.
Nous avons tout d’abord été frappés par le fait que 33% des hommes recrutés n’avaient pas eu de vie sexuelle dans les 4 semaines précédentes et que ce facteur n’avait pas été analysé. Les hommes étaient recrutés via des réseaux sociaux : est-ce que, justement, le fait d’être présents sur les réseaux sociaux n’est pas un facteur pouvant modifier le comportement sexuel en soi ?
Les explications neurobiologiques des auteurs n’ont pas été vérifiées, ce sont des hypothèses. Nous pourrions en émettre d’autres. Par exemple, d’un point de vue cognitif, comportemental et émotionnel, les patients souffrant d’éjaculation prématurée, ont souvent un déficit attentionnel, une distraction cognitive et une hyper émotivité. L’entraînement aux jeux vidéo, en améliorant la concentration et la maîtrise de soi, pourrait donc avoir un effet bénéfique sur le contrôle éjaculatoire. De même, le moindre désir sexuel chez les joueurs pourrait être attribué à des facteurs psycho comportementaux : le comportement de jeu et la gratification qu’il entraîne pourraient procurer plus de satisfaction que le comportement sexuel lui-même.
Par ailleurs, nous ne savons rien du comportement sexuel des participants à l’étude et de l’importance qu’ils accordent à leur vie sexuelle.
Nous trouvons très intéressant d’envisager d’intégrer des jeux vidéo à nos prises en charge sur le modèle de ce que sont les « serious games » des Anglo-saxons dans d’autres domaines. Ce type d’approche pourrait être une aide notamment chez les jeunes qui ont toujours vécu à l’aire de l’informatique et des jeux vidéo.