Les femmes qui ont ou ont eu des expériences sexuelles avec des femmes ont-elles plus de dysfonctions sexuelles que celles qui n’en ont jamais eu ?Résultats d’une enquête chez près de 6000 femmes
Analyse par Odile Buisson, St Germain en Laye, France
et Jacques Buvat, Lille, France
_2538 198..206
De l’article de A Burri, Q Rahman, P Santtila, P Jern, T Spector, and K Sandnabba. The Relationship Between Same-Sex Sexual Experience, Sexual Distress, and Female Sexual Dysfunction. J Sex Med. 2012 9:198-206.
Peu de recherches ont été publiées à propos des dysfonctions sexuelles (DS) des femmes qui ont des expériences sexuelles avec des femmes. Dans ce travail, Andrea Burri et ses coauteurs ont étudié la prévalence des DS dans ce cadre particulier, ainsi que l’impact de la fréquence et du type d’activité sexuelle sur cette prévalence.
Généralités
La littérature concernant attirance et expériences sexuelles entre femmes est très limitée. Elle s’est focalisée sur l’inhibition du désir sexuel, la fréquence des contacts et la satisfaction sexuelle. De plus cette littérature inclut dans un même concept d’« orientation sexuelle » attirance pour le même sexe, expériences sexuelles, et identité homosexuelle. Ceci ne rend pas compte de l’hétérogénéité de la sexualité entre femmes. A Burri a voulu étudier certaines caractéristiques des expériences sexuelles entre femmes sans préjuger de leur orientation sexuelle.
Les données déjà disponibles rapportent que la fréquence de l’activité sexuelle est plus faible chez les couples de femmes que chez les couples de sexe opposé, mais ceci ne reflète pas forcément une dysfonction sexuelle. Des études montrent un taux de satisfaction sexuelle assez semblable chez les lesbiennes et chez les femmes hétérosexuelles (68%). L’embarras des femmes à initier la relation sexuelle a été mis en cause pour expliquer la moindre fréquence des activités sexuelles. D’autres mettent en évidence le rôle social lié au genre qui conduit les femmes à méconnaitre ou réprimer leurs sensations sexuelles. Ceci serait majoré quand il s’agit d’une relation entre femmes. Mis à part une libido plus faible, les recherches, qui portent sur de petites séries, ne montrent pas de taux de DS plus élevé chez les femmes « lesbiennes » que chez les hérérosexuelles.
En dehors du manque de désir rapporté par plusieurs études, les femmes lesbiennes auraient dans une étude comparative moins de difficultés à avoir un orgasme, moins de problèmes de lubrification, de douleurs sexuelles, et de sentiment de culpabilité. Dans une autre étude, le taux de DS était même plus élevé chez les hétérosexuelles ( 51%) et les bi-sexuelles (45%) que chez les lesbiennes (29%). Cependant les études n’ont pas toutes utilisé les critères diagnostiques « reconnus » des dysfonctions sexuelles tels ceux du DSM-IV, ce qui rend difficile leur comparaison. En 1994, des critères de « souffrance/détresse » et de difficultés interpersonnelles ont été ajoutés au DSM-IV-TR afin de différencier DS de variantes du fonctionnement normal. Depuis, une souffrance personnelle relative au problème sexuel est considérée comme un critère diagnostique essentiel de la DS. L’ambiguïté des résultats montre la nécessité pour le futur d’utiliser une définition clinique uniforme des DS, et des outils plus précis pour évaluer le fonctionnement sexuel chez les femmes en distinguant attirance, expérience, et identités hétérosexuelle ou homosexuelle.
Il est raisonnable de penser que non seulement la fréquence mais les types d’activités sexuelles sont différents chez les femmes qui ont ou n’ont pas des expériences sexuelles avec d’autres femmes. Par exemple les hétérosexuelles pourraient avoir des pénétrations vaginales plus fréquentes que les non-hétérosexuelles. En d’autres mots, la fréquence des DS pourraient être influencée non seulement par l’intérêt pour le même sexe mais aussi par des différences dans les types d’activité sexuelle. Ceci est étayé par des résultats récents des études de la sexualité entre hommes, qui montrent que type et fréquence de l’activité sexuelle ont un impact sur les dysfonctionnements éjaculatoires. Il faut noter qu’il existe des différences entre expérience, attirance et identité sexuelle. Une étude a montré que 64% des hommes et 67% des femmes se déclarant hétérosexuel(le)s ont rapporté au moins une expérience sexuelle (excitation ou contact génital) avec une personne du même genre. De la même façon 46% des hommes et 69% des femmes ont rapporté avoir éprouvé une attirance sexuelle pour une personne du même genre. C’est pourquoi le propos de cette étude s’est limité au concept « d’expérience non hétérosexuelle » et pas à l’orientation sexuelle.
But de l’étude
Il s’agissait de tester pour la première fois l’association entre expérience homosexuelle et DS féminine en estimant par des méthodes d’évaluation validées la prévalence des DS (incluant le critère diagnostique souffrance-distress- résultant de la sexualité) ainsi que la possibilité que les effets sur la fonction sexuelle des expériences avec des partenaires de même sexe soient modulés par la fréquence et le type des activités sexuelles.
Méthodes et résultats
L’étude a utilisé la base de données de l’étude Genetics of Sex and Aggression (GSA), une enquête sur internet réalisée en 2005 et 2006 par le groupe Finlandais de Santtila et Jern, célèbres pour leurs travaux sur la contribution génétique à l’éjaculation prématurée. Il faut souligner les particularités de la population des 5998 femmes âgées de 18 à 49ans y ont participé : elle contenait un groupe de 4425 jumelles, spécifiquement recrutées en deux enquêtes différentes pour les besoins des évaluations d’une possible contribution génétique aux DS féminines menées par le groupe Finlandais, et un second groupe de 2176 sœurs de ces jumelles. On ne peut donc pas dire que cette population était véritablement représentative de la population générale. Une partie (6.4 %) de ces femmes fut écartée de l’étude pour données incomplètes. La prévalence des DS a été validée par le questionnaire FSFI et par la version abrégée de l’échelle de détresse sexuelle féminine (FSDS). L’évaluation de la fréquence et du type des activités sexuelles a été réalisée à partir d’une version modifiée de l’inventaire de Derogatis (DSFI).
La notion d’expérience sexuelle avec une personne du même sexe a été vérifiée par une seule question : vous êtes-vous déjà impliquée dans une expérience sexuelle avec une autre femme ? Dans cette analyse nous qualifierons de « exclusivement hétérosexuelles » celles qui ont répondu négativement et de « femmes ayant eu des expériences homosexuelles » ou « des expériences sexuelles avec d’autres femmes », ou « non exclusivement hétérosexuelles » celles qui ont répondu positivement.
Parmi les 5998 femmes ayant répondu à la question de savoir si elles avaient eu une expérience sexuelle avec une autre femme, 13,6% ont répondu positivement. Ces expériences homosexuelles étaient faiblement mais significativement corrélées avec un âge plus jeune (p < 0.01). Comparées aux femmes exclusivement hétérosexuelles les femmes qui avaient eu une expérience sexuelle avec une autre femme ont eu davantage de partenaires dans l’année précédente, ainsi que dans les 5 années précédentes (p < 0.001). De façon cohérente, les femmes ayant des relations homosexuelles rapportaient des relations de durée plus courte par rapport aux exclusivement hétérosexuelles (p < 0.001). Les fréquences de chaque type d’activité sexuelle (fantasmes, baisers, masturbation, sexualité orale, vaginale et anale) différaient de façon significative de celles des femmes exclusivement hétérosexuelles, avec une fréquence plus élevée de tous les types d’activités chez les femmes ayant eu des expériences sexuelles avec d’autres femmes (p < 0.001) à l’exception de la pénétration vaginale. Les résultats montrent que les femmes non exclusivement hétérosexuelles ont significativement plus de problèmes de désir et de satisfaction sexuelle (p < 0.001) comparées aux femmes avec activité exclusivement hétérosexuelle. Les deux groupes ne différaient pas en matière d’excitation sexuelle, de lubrification, d’orgasme ou de douleurs sexuelles.
Chez les femmes qui avaient eu des expériences homosexuelles, l’insatisfaction sexuelle était la plainte la plus fréquente (17,1%) tandis que chez les exclusivement hétérosexuelles la première plainte étant constituée par les problèmes d’orgasme (9,1%). Dans les deux groupes la plainte la moins fréquente était celle de douleurs sexuelles (5,5 % chez les non hétérosexuelles, 5,9 % chez les autres). En gros, une souffrance associée à la vie sexuelle (avec ou sans problème sexuel associé) était présente chez un cinquième des exclusivement hétérosexuelles (19%) et un quart des femmes qui avaient eu des expériences homosexuelles (23%).
Conformément aux études épidémiologiques menées chez les hétérosexuelles, les femmes présentant des scores FSFI compatibles avec une DS ne ressentent pas toutes une souffrance relative à leur problème sexuel. Par exemple, parmi les femmes hétérosexuelles rapportant des troubles de la lubrification, seules 26,7% en souffraient, mais 15,2% des femmes ayant eu des expériences homosexuelles et qui avaient une lubrification normale rapportaient une souffrance en rapport avec la sexualité. Les problèmes sexuels les plus souvent responsables d’une souffrance étaient chez les femmes ayant eu des expériences homosexuelles l’insatisfaction sexuelle (39.6 %) et chez celles qui n’avaient que des expériences hétérosexuelles le manque de libido (16.4 %). Dans l’ensemble les femmes ayant eu des expériences homosexuelles souffraient plus que les hétérosexuelles exclusives de leurs problèmes de désir (p = 0.01), d’excitation (p = 0.03) et de satisfaction (p = 0.04). Globalement les femmes qui avaient eu des expériences sexuelles avec des femmes ressentaient davantage de souffrance en rapport avec leurs problèmes sexuels.
Afin d’évaluer si les corrélations entre DS et expériences homosexuelles étaient directes ou indirectes (c’est-à-dire fonction de différences dans les types et la fréquence des activités sexuelles), les données ont été re-analysées après ajustement en fonction de la fréquence et du type des activités sexuelles. Après avoir intégré ces variables, aucune différence significative n’a plus été trouvée en ce qui concerne le désir entre les femmes qui ont eu des expériences homosexuelles et les hétérosexuelles exclusives, alors que persistait chez les premières une insatisfaction significativement plus importante.
Discussion
Désir et satisfaction sexuels sont significativement moindres chez les femmes qui ont des expériences homosexuelles. Bien que ces femmes rapportent un peu plus d’orgasmes et de douleurs sexuelles que les femmes exclusivement hétérosexuelles, la différence n’est pas statistiquement significative. La différence de désir sexuel n’est d’ailleurs plus retrouvée après ajustement en fonction de la fréquence et du type des activités sexuelles.
Le fait d’avoir des expériences sexuelles avec des partenaires de même sexe semble donc corrélé directement à la satisfaction sexuelle, sans qu’interviennent la fréquence et le type des activités sexuelles. Cette étude montre que les femmes qui ont des activités sexuelles avec des femmes s’engagent plus fréquemment dans des activités sexuelles que les hétérosexuelles, indépendamment du type d’activité (baisers, masturbation, sexualité orale, anale, ou vaginale). Malgré cela, ces femmes avec activités homosexuelles sont moins satisfaites que les hétérosexuelles exclusives, suggérant que la satisfaction n’est pas corrélée à la fréquence des activités, mais doit être associée à d’autres facteurs. De fait, d’autres études de la littérature ont constamment montré une association de la satisfaction sexuelle avec la qualité de la relation, l’amour et l’engagement. De nombreuses études ont démontré le rôle des facteurs interpersonnels sur la satisfaction sexuelle, ainsi que ceux de la santé physique, du bien-être général, du bonheur, de la stabilité de la relation, de la communication et de l’image du corps.
L’insatisfaction pourrait résulter d’un niveau plus élevé de souffrance ou d’anxiété résultant d’un problème sexuel. Une étude montre que les femmes qui rapportent une plus grande anxiété liée à un problème sexuel sont logiquement plus insatisfaites sexuellement. L’étude de Burri montre aussi une plus grande anxiété concernant le fonctionnement sexuel chez les femmes qui ont des expériences homosexuelles que chez les autres. La prise en compte de la souffrance personnelle liée aux DS, et sa plus grande fréquence dans le premier groupe, pourraient expliquer les différences des résultats de cette étude par rapport à ceux des études précédentes. Celles-ci avaient en effet montré que les femmes qui ont des relations sexuelles avec le même sexe rapportent peu de problèmes sexuels, ou dans des proportions équivalentes à celles des hétérosexuelles, alors que, dans notre étude, elles rapportent davantage de difficultés liées au désir, à l’orgasme, à la satisfaction et à la douleur. L’inclusion de la souffrance sexuelle dans la définition de la DS peut expliquer les résultats discordants dans ce groupe de femmes qui se plaignent de troubles du désir mais rapportent une plus grande fréquence de l’activité sexuelle. Un regard sur les pourcentages donnés par le FSFI dans cette étude montre que 56% des hétérosexuelles exclusives rapportent une libido basse contre 53% des femmes ayant eu des expériences homosexuelles. Quand on prend en compte la souffrance sexuelle (12,7% chez les hétérosexuelles versus 16,4% chez les non hétérosexuelles), la prévalence du trouble du désir sexuel hypoactif apparait en fait un peu plus importante chez les femmes qui ont ou ont eu des activités homosexuelles (9,9% versus 6,9%).
Plusieurs hypothèses peuvent expliquer cette plus grande souffrance personnelle liée aux problèmes sexuels
Les femmes qui ont des expériences homosexuelles pourraient donner plus d’importance à leur vie sexuelle et la considèreraient plus essentielle en termes de qualité de vie. Une étude prospective portant sur 147 femmes hétérosexuelles et 89 femmes lesbiennes a montré que les lesbiennes avaient des comportements auto-sexuels plus fréquemment que les hétérosexuelles (qu’elles vivent ou non avec une partenaire), et que celles qui ne vivaient pas avec leur partenaire avaient davantage d’activités sexuelles que les hétérosexuelles. De la même façon, une étude a montré que 70% des femmes homosexuelles se masturbent, comparativement à 40% des hétérosexuelles. Une autre étude a montré que les femmes homosexuelles s’engagent plus souvent dans des activités sexuelles pour avoir davantage d’orgasmes, que ce soit par masturbation ou par tout autre moyen de stimulation, et pour avoir un plus grand nombre de partenaires.
Les femmes exclusivement hétérosexuelles pourraient différer des autres quant aux motifs de leur souffrance sexuelle. Plusieurs données démontrent que plusieurs facteurs peuvent être à l’origine d’une souffrance sexuelle. Parmi ceux-ci, une anxiété généralisée et des préoccupations concernant la sexualité et la relation semblent s’associer à un certain niveau de souffrance, indépendamment du fonctionnement sexuel. Or l’anxiété semble plus fréquente chez les femmes qui ont des expériences homosexuelles que chez les hétérosexuelles exclusives. De plus il existe une nette association entre les expériences homosexuelles et les problèmes de santé mentale (symptômes psychologiques, par exemple). Il existe donc une anxiété plus importante chez les femmes qui ont des expériences homosexuelles et l’anxiété liée à la DS est différente dans les deux groupes. Ceci souligne l’attention que l’on doit porter au contexte social et à la santé psychologique lorsqu’on considère la souffrance sexuelle comme un critère diagnostique de la DS.
Limitations de l’étude
– Cette étude ne concerne pas spécifiquement la question des différences d’orientation sexuelle, mais se concentre plutôt sur les expériences homosexuelles. En raison de l’absence de données recueillies à cet égard, il n’a pas été possible d’analyser la perception subjective des femmes quant à d’autres aspects importants de la sexualité tels que l’attirance sexuelle et l’attirance romantique. La catégorisation a été basée sur la réponse à une seule question : expérience sexuelle avec l’autre sexe : oui ou non. Ceci explique que les résultats de l’étude ne peuvent être extrapolés aux individus qui s’identifient comme homosexuels ou bisexuels sur la base de leur attirance, indépendamment de leur expérience réelle.
– Il existe aussi des limitations quant à l’extrapolation de la durée des expériences sexuelles avec le même sexe à toute la durée de la vie. Il est possible que la majorité des expériences sexuelles du groupe avec expériences homosexuelles ait en fait eu lieu dans un cadre de rencontres homme/femme, ce qui semble être confirmé par la plus grande fréquence des pénétrations vaginales chez les femmes ayant eu des expériences homosexuelles, comparées aux femmes strictement hétérosexuelles. Par conséquent l’étude peut avoir inclus un sous-groupe de femmes plus aventureuses, ayant plusieurs types de partenaires et une sexualité plus variée. De fait des facteurs tels que l’ouverture aux expériences et aux personnalités nouvelles (non disponibles dans cette étude), peuvent avoir influencé les résultats.
– L’étude est aussi limitée par l’absence d’information concernant le statut hormonal des femmes, c’est à dire ménopausées ou non, même si en raison de leur âge il est raisonnable de penser qu’elles étaient en période d’activité génitale. De la même façon, les auteurs n’ont pas pu évaluer l’existence de facteurs associés potentiellement responsables de DS tels que l’état de santé physique ou psychique. Enfin la fonction sexuelle change et évolue tout au long de la vie, si bien que les résultats ne peuvent être extrapolés à d’autres groupes d’âges.
– Une dernière limitation est la durée de l’étude pendant laquelle la fonction sexuelle a été évaluée (4 semaines). Pour une célibataire, une durée de 4 semaines peut affecter négativement les résultats. Cependant, comme seules les femmes actives sexuellement ont été intégrées dans l’étude, les effets du célibat ont été minimisés.
Conclusions des auteurs
L’association expérience sexuelle avec des partenaires de même sexe et DS est empiriquement démontrée chez les femmes de cette étude. Bien que les expériences homosexuelles semblent affecter indirectement la libido, en raison de la fréquence et du type des activités sexuelles, rien de tel n’a pu être mis en évidence pour la satisfaction sexuelle. Les recherches futures devraient évaluer plus soigneusement les variables associées ( attirance sexuelle, attirance romantique, satisfaction sexuelle) et des cofacteurs tels que traits de personnalité pouvant influer les associations. Les résultats de cette étude mettent en lumière la nécessité de considérer la souffrance sexuelle dans un concept multifactoriel comportant de nombreux facteurs prédictifs et indicatifs. Une meilleure compréhension de la souffrance sexuelle et de ses différents aspects permettrait de mieux repérer les interférences et de reformuler la DS en termes de diagnostic psychiatrique.
Commentaires personnels
Cette étude qui s’annonçait très intéressante par l’importance numérique de l’échantillon étudié (6000 femmes) et l’aura des auteurs s’avère en fait décevante. Outre la particularité déjà mentionnée de cette population de jumelles et sœurs de jumelles, la classification des femmes s’est faite à partir de la réponse à une seule question en hétérosexuelles (exclusivement) et femmes ayant eu au moins une expérience homosexuelle. Ce second groupe réunissait certainement plusieurs types de femmes, certaines à activité sexuelle exclusivement homosexuelle, d’autres dont l’expérience homosexuelle s’est limitée à un ou quelques actes exploratoires avec une partenaire féminine, en passant par des femmes habituellement bisexuelles, avec des proportions variables d’actes sexuels homosexuels et hétérosexuels, ceci ne préjugeant pas de la véritable orientation sexuelle (en termes d’attirance) de ces femmes.
A partir de cette classification très floue, les résultats de l’analyse des autres paramètres recueillis dans cette enquête sont surinterprétés. Une importance exagérée est donnée à des détails peu significatifs et à des variations de pourcentages minimes dans les deux groupes (exemple 9.9 versus 6.9 % pour le trouble du désir sexuel hypoactif).
La discussion du principe essentiel qu’association ne signifie pas obligatoirement causalité n’est pratiquement jamais abordée. Par exemple le fait que les femmes qui ont eu des rapports homosexuels soient plus souvent insatisfaites que les femmes exclusivement hétérosexuelles ne signifie pas obligatoirement que les rapports homosexuels soient insatisfaisants. Chacun des deux symptômes (expérience homosexuelle et insatisfaction) peut être le marqueur indépendant d’un trait de personnalité ou d’une expérience relationnelle particulière, associés à une insatisfaction plus générale et à la recherche de nouveaux types d’expériences sexuelles.
De plus l’écriture est laborieuse, le texte est dilué, répétitif, et rendu souvent confus par l’obsession d’éviter l’adjectif homosexuel, généralement remplacé par « non hétérosexuel ». L’article donne l’impression que A. Burri, extérieure au projet originel de la GSA, a tenté de tirer profit de l’autorisation qui lui a été donnée d’utiliser cette base de données pour exploiter au maximum les réponses à l’unique question évaluant l’activité homo ou hétérosexuelle des participantes, question pourtant manifestement insuffisante pour une évaluation précise de ce paramètre, et y associer son nom. On est étonné que ses co-auteurs aient accepté d’associer le leur à un texte si verbeux et approximatif.
Quelques données chiffrées sont toutefois intéressantes, ne serait-ce que pour confirmer qu’il n’y a probablement que relativement peu de différences en termes de fonction et dysfonction sexuelles entre les femmes exclusivement hétérosexuelles et celles qui ne le sont pas, ce qui nous a poussé à tout de même insérer cette analyse dans le bulletin électronique de la SFMS.